Here’s a text on Thomas Ostermeier’s work in Avignon, written in french, by Karolina Markiewicz.

Rencontre avec Thomas Ostermeier.
Thomas Ostermeier a totalement recréé pour Avignon (en trois semaines seulement!), sa nouvelle proposition, ‘Die Ehe der Maria Braun’ d’après Rainer Werner Fassbinder.
Cette pièce dont il a suivi le script dans l’ensemble, il l’a néanmoins voulue plus en adéquation avec l’actualité – la victoire de l’Allemagne à la Coupe du Monde de foot 2014 en écho à celle remportée en 1954, à Bern.
Mais il a aussi voulu mettre en exergue l’attitude glaciale et dangereusement déterminée de l’Allemagne actuelle – qui n’a plus aucun doute quant à son identité, qui se tient très fort debout, sûre d’elle et muant une fois de plus, d’après Ostermeier, en un monstre froid qui abuse de son pouvoir. Une Allemagne imposant l’austérité sans limites à tous les pays européens, précipitant les populations dans la précarité, un désespoir notable – comme si elle avait complètement oublié le passé. Un ‘zombi-capitalisme’ qui ne fait que produire un enchaînement de crises, un maintien en apocalypse, comme le dit à juste titre, Georg Seesslen, auteur, critique et cinéaste allemand.
La nécessité d’arriver au sommet, au contrôle absolu dépasse totalement la conscience. Comme un écho aux théories ultra libérales, centrées sur l’ego, d’Ayn Rand, reprises dans ‘The Fountainhead’ d’Ivo van Hove, quelques jours plus tôt, dans la même Cour Saint Joseph du festival d’Avignon.
Ceci à l’image de cette femme dangereuse, Maria Braun, qui a perdu son mari, Herrmann, pendant la guerre (qui reviendra finalement) et puis son enfant, conçu avec un autre. Une figure féminine qui a la nécessité de se reconstruire en dépit de tout, de ses idéaux, de ses proches et de tous ceux qui passent sur son chemin. Tous les moyens sont bons et surtout, on ne s’épanche pas sur les sentiments. De personne. “Es ist eine schlechte Zeit für Gefühle” sagt sie. (“C’est une mauvaise période pour les sentiments” dit-elle.)
Ce n’est pas la première rencontre entre les univers d’Ostermeier et de Fassbinder (assez proches). Il y en a déjà eu une en 2008, mais le résultat ici, est concluant. Ostermeier, perspicace, parvient même, dans aa mise en scène à inclure la déclaration des intermittents français dans leur lutte, sans prendre pour autant le public en otage – ce qu’il avait fait dans ‘L’ennemi du peuple’ d’après Henrik Ibsen, et qui n’avait pas été suffisamment subtile, car trop loin dans le théâtre-action.
Il ne livre pas de réponses sur ce que doit être la conscience humaine, mais pose les bonnes questions. Parce que le théâtre c’est bien cela.
” On ne fera pas de révolution avec le théâtre, mais on pourra poser quelques questions essentielles, peut être, histoire que les consciences se réveillent. Voilà la fonction du théâtre. Voilà ce que je veux y voir” disait Ostermeier, mardi dernier, lors d’une interview accordée à Kulturstruktur.
Avec sa troupe de comédiens-monstres, comparables à ceux de Warlikowski – des entités qui prennent plaisir à dépasser leurs propres limites. Qui pèsent chacun de leurs gestes, en font des coups de théâtre délicats et prennent plaisir à trouver le somptueux virage vers le tragique.
Ursina Lardi en Maria Braun aura indéniablement marqué de son talent. Quant à Ostermeier, il reste l’un des maîtres européens incontestés de son art.
Karolina Markiewicz
